Adolescente,
j’ai commencé à expérimenter des peinture matiéristes et c’est
la rencontre avec un artiste plasticien et professeur des écoles,
qui va transformer cet appétit naissant en une pratique mêlant
différents médiums et me donner le goût de la pédagogie. Aux Arts
Décoratifs de Strasbourg, je découvre la sérigraphie et développe
un travail sculptural à base de textile.
La
sérigraphie m’ouvre au monde de la microédition, j’imprime des
livres, des affiches et des pochettes de disque. Avec des collègues,
je crée Papier Gâchette en 2009, maison d’édition artisanale en
typographie, sérigraphie et gravure. Je prends plaisir à partager
ce travail collaboratif et à animer des ateliers pédagogiques.
Parallèlement
je continue ma recherche en sérigraphie sur textile. J’imprime des
motifs et couds des personnages fantasmagoriques comme le spectacle
« Palabre » qui met en scène deux personnages en coton
sérigraphié. Le Loup (un costume) et la Grosse Madame (une
marionnette géante) questionnent le Désir, ses contradictions
intimes. Sous formes sculpturales ou à plat, ces figures bestiales,
primitives, aux caractères sexuellement symboliques reviennent
régulièrement dans mon travail. Le textile y est mêlé à
différents matériaux, structure en bois ou métal, cire, terre…
La
laine est une matière que j’affectionne, elle est riche pour ces
possibilités d’application. En partant de fibre brute, je démêle,
carde, file, tisse, brode, crochète, teins, feutre… La laine
change d’état au fur et à mesure de sa transformation, elle offre
un rapport sensible chaque fois renouvelé, une attention qui demande
tour à tour force ou délicatesse.
Le
geste répétitif est au centre de ma pratique, par le dessin du
motif, la sérigraphie, le travail de la laine. La répétition
marque un rythme où le corps, pris dans une sorte de transe, semble
parler directement avec la matière.
Le
travail artisanal me permet de porter l’attention sur la nature
même du matériau et de me laisser orienter par lui. Je suis
attentive au surgissement des formes, guidée par la sensibilité et
le rapport émotionnel. Dans ce sens, mes collages en papier de soie
sont des associations spontanées de formes et des superpositions de
couleurs. Le sujet n’est pas défini à l’avance mais se dessine
petit à petit.
J’accorde
une place prépondérante à la matérialité des œuvres, au rapport
sensible entretenu avec elles. La matière offre d’infini
possibilités d’évocations, qui défient la nécessité de
s’accorder sur un sens établi. Ce biais poétique permets
d’offrir à chacun une voie vers sa propre sensibilité. C’est ainsi que
je souhaite faire partager ma création.